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28 février 2011

Angoisse

le grand variable,éditions éditinter,christian cottet-emard,zones industrielles,laideur,france moche,usines,publicité,habitat pavillonnaire,enseignes,téléramaJe vois le soleil se lever sur une immensité de laideur. Habitat pavillonnaire et zones industrielles.
Un monstrueux cargo accoste. Il décharge des usines entières, « clefs en main » . Elles dégorgent à leur tour un fleuve de trains de marchandises et de camions. La chaleur des moteurs tremble dans l’objectif de la lunette de l’enseigne de vaisseau Mhorn et le petit matin sent le gazole.
Je voudrais joindre ma voix à celle des veilleurs qui donnent l’alerte mais ceux-là même qui souffrent chaque jour de cette laideur et de cette puanteur nous accusent de cracher dans la soupe et nous traitent de traîtres.
Au secours !
Ce cauchemar-là, je le fais chaque fois que, par mélancolie, je mange trop et trop lourd le soir.
Mais suis-je vraiment endormi ?

(Extrait de : Le Grand variable, éditions Éditinter, 2002.)

Illustration : Halte à la France moche, couverture de Télérama du 13 au 19 février 2010.

13 février 2011

Retour au pays natal

retour,pays natal,le grand variable,éditions éditinter,christian cottet-emard,carpe,autorail,tgvMon rêve de manquer un train à grande vitesse à dix secondes près se réalisa à l’instant même où j’en conçus l’allégresse.
Il n’était déjà plus qu’un point silencieux à l’horizon lorsque mon regard balaya les quais déserts du dimanche. Tout autour, la préfecture mijotait comme un vieux ragoût à réchauffer sans cesse. Des assemblées de notables s’y étendaient à perte de vue.
Il n’était pas difficile de deviner que la vie commençait loin de ce bourg, bien au-delà des eaux dormantes et des banquets de carpes.
J’abandonnai là une valise remplie de calculs et grimpai le cœur léger dans un des derniers autorails capables de laisser quelqu’un descendre en marche.

(Extrait de : Le Grand Variable, éditions Éditinter, 2002.)

08 février 2011

Interview

interview,presse,journalisme,le grand variable,éditions éditinter,christian cottet-emard,magnétophoneL’homme que j’attendais arriva exactement à l’heure prévue, ce qui me disposa assez mal à son égard. Je patientai, le temps qu’il fût bien assis, pour appuyer sur le bouton « marche » de mon petit magnétophone et je lui posai une première question stupide. Il s’en montra ravi et développa une réponse pétrie d’éloquence préfabriquée qui me permit de regagner au moins un quart d’heure de sommeil sur une matinée trop tôt commencée. Pour prolonger mon repos, je me fendis cette fois d’une autre question dont je connaissais la réponse. Comblé, l’homme y répondit longuement et je pus me rendormir sans qu’il parvînt à s’en apercevoir puisque je gardais les yeux ouverts et la tête haute. Hélas, ayant quitté le sommeil très superficiel qui me permettait de deviner, au ton de la voix de mon interlocuteur, qu’il allait bientôt finir, je m’assoupis profondément. Ma tête roula alors sur la table et l’homme démasqua mon sommeil clandestin.
Voilà pour l’essentiel de cette journée de désordre.

(Extrait de : Le Grand Variable, éditions Éditinter, 2002.)